lundi 21 mars 2011

Exposition universelle et internationale de Liége 1905 - Projet 3d

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Quatrième pavillon :

Le Palais de l'Art Ancien



L'Exposition rétrospective d'art mosan organisée à Liège, en 1881, bien que de proportions relativement restreintes (elle se tint comme on le sait dans les cloîtres Saint-Paul, à l'Université, et à l'Emulation), fit une réelle impression sur l'esprit des archéologues et des amateurs si nombreux de la vieille cité de saint Lambert et contribua à développer encore dans l'âme des Wallons le goût des choses du passé.

L'Exposition universelle projetée pour 1905 devait fournir aux Liégeois une nouvelle occasion de faire connaître, mais dans un cadre plus vaste et plus imposant, les merveilleuses productions artistiques de l'antique principauté.


M. Florent Pholien, secrétaire du Comité Exécutif de l'Exposition, conçut le projet d'une Exposition d'art ancien au pays de Liège, s'attacha avec persévérance à cette intéressante question et présenta, à cette fin, un rapport circonstancié au Comité Exécutif. Ce dernier, comprenant tout l'attrait qu'une section rétrospective pouvait donner à la World's Fair liégeoise, en adopta le principe dès 1900 et chargea M. Pholien d'en rechercher les moyens d'organisation. Le Gouvernement fit d'ailleurs à ce projet l'accueil le plus empressé. En effet, un arrêté royal en date du 15 juin 1903, organisant
le Commissariat général du Gouvernement près l'Exposition de Liège, nomma M. le baron Robert de Selys Fanson, commissaire spécial pour les arts rétrospectifs. Le Comité Exécutif de la Société anonyme de l'Exposition confia à ce dernier l'organisation de la section de l'Art ancien, mit à sa disposition les crédits nécessaires et délégua M. Florent Pholien, son secrétaire général des Finances, pour le représenter.

Un arrêté royal du 30 septembre suivant institua une nombreuse commission de patronage de la section de l'Art ancien, au sein de laquelle un arrêté ministériel, en date du même jour, créa un Comité Exécutif, organisme actif formé de compétences spéciales dont l'appoint était nécessaire pour mener à bien l'importante entreprise.


Le Commissaire du Gouvernement, M. le baron de Selys Fanson, trouva dans ce comité d'assidus collaborateurs et c'est à ce faisceau de bonnes volontés qu'est due la réussite de l'Exposition d'Art ancien.

Le samedi 24 octobre 1903, eut lieu, en la salle des mariages de l'Hôtel-de-Ville de Liège, l'installation officielle de la Commission de patronage, sous la présidence de M. Gustave Francotte, ministre de l'Industrie et du Travail.

En ce qui concerne le choix, le classement et la présentation des objets, nous sommes heureux de rendre hommage au zèle, à la ténacité et au savoir des agents les plus en vue dans l'organisation de ce musée provisoire. Rappelons les noms: pour l'art religieux: du président Mgr Schoolmeesters, de son secrétaire M. Paul Lohest, et de MM. les abbés S. Balau et P. Daniels; pour l'art civil: du président M. J. E. Demarteau, de son secrétaire M. Edmond Jamar, de M. le baron de Chestret de Haneffe, de M. S. Bormans, de feu M. J. Helbig, de M. Joseph Brassinne, de M. Ed. Brahy-Prost,
de M. Paul Van Zuylen, du baron Maurice de Sélys-Longchamps, de M. G. Ruhl, de M. L. Naveau, du baron Louis de Crassier, de M. Renard-Grenson, de M. Hans von Winiwarter, de M. Georges Rasquin, de M. Florent Pholien et M. Jean Charlier.



Le Conservateur des collections, M. Georges Terme, mit au service des organisateurs une expérience déjà ancienne, et l'auteur des présentes lignes se rappelle avec plaisir d'avoir participé à divers travaux.

Cette fois, les cloîtres pittoresques, mais trop étroits de la Cathédrale, et l'unique salle de l'Emulation qui avait servi en 1881, ne suffisent plus à l'ambition des organisateurs.

Ce sera un palais qui abritera les collections qu'il s'agit de réunir et de mettre
en valeur. A vrai dire, elle était vaste cette construction, sans être fastueuse; mais on
y voyait avec plaisir la reconstitution de la fameuse Violette, avec les armoiries des bonnes villes de la Principauté qui s'abritaient sous les ailes de la double aigle impériale. Ces motifs héraldiques intimement liés aux fastes de la Principauté, imprimaient au vieil édifice un charme qu'on ne retrouve pas dans l'Hôtel-de-Ville actuel de Liège, construit comme l'on sait après le bombardement de la ville par le maréchal de Boufflers.

Le succès a surpassé les rêves les plus optimistes des organisateurs, et la section rétrospective a constitué, de l'avis d'excellents juges, la principale attraction de la première foire mondiale, organisée sur les rives de la Meuse.


Les trésors qui étaient naguère rassemblés au Palais de l'Art ancien sont de nouveau dispersés : les uns ont été replacés dans les sanctuaires, les autres ont été rendus aux collectionneurs qui veillent sur eux avec une sollicitude presque maternelle.


A la foule des curieux, ont succédé dans les grandes salles devenues mornes et froides, les ouvriers occupés à démonter les vitrines. Puis leur tâche accomplie, le palais a été livré à la pioche des démolisseurs. Maintenant, en se reportant à cette belle évocation de l'art mosan, on ne peut se défendre de cette impression de mélancolie qui succède si souvent aux rêves enchanteurs. Qui de nous reverra jamais semblable musée? Qui songerait encore à tenter l'effort de tant de bonnes volontés, effort qui groupa pendant quelques mois foule d'objets de prix : orfèvreries, argenteries, dinanderies, sculptures, meubles, tentures, broderies, faïences et verreries? Tous ces trésors rassemblés à grand peine se sont évanouis dans un éparpillement décevant. Or, ce n'était pas seulement un art puissant et fécond par tant de manifestations que rappelait cette imposante réunion
d'objets, mais c'était aussi le passé de la patrie liégeoise, dont M. Godefroid Kurth et M. Joseph Demarteau ont tracé en quelque sorte la physionomie intellectuelle et morale dans des pages d'un captivant intérêt. Les lignes qui vont suivre n'ont pas la prétention de constituer un mémorial; elles n'ont d'autre but que de donner une rapide esquisse de l'Exposition rétrospective. Aussi le lecteur, désireux de faire une étude, devra-t-il recourir au catalogue de l'Art ancien au pays de Liège et à l'Album illustré de M. G. Terme.

Le Palais était consacré à l'Art mosan compris dans son acception courante. On n'y a revu, en effet, ni les instruments primitifs de l'âge de la pierre, ni les poteries grossières recueillies dans les cavernes et les huttes habitées par nos lointains ancêtres, ni les vestiges des époques belgo-romaines et des invasions barbares.



Le musée provisoire débutait par une plaque en ivoire du X^ siècle, appartenant à la Cathédrale de Liège et où se trouvent représentées trois résurrections opérées par le Sauveur. Pour la circonstance,
on eût été heureux de voir associés à cet objet le bas-relief en ivoire du Crucifiement du Trésor de l'église Notre-Dame à Tongres et ce fameux ivoire, serti après coup d'émaux du XIIe siècle, où Notger apparaît en prière sous l'image du Christ en Majesté. Ces vénérables monuments
sont-ils issus de centres mosans proprement dits, ou bien relèvent-ils d'un centre germanique?

Bien qu'il soit difficile pour le moment de donner une réponse affirmative à cette question,
on ne se hasarderait pas trop, je crois, en admettant la première des alternatives. Il y avait, en effet, entre l'Allemagne et la principauté ecclésiastique des relations très suivies, résultant autant de leur voisinage que de leur situation politique. On voit même, pour ne citer qu'un exemple, l'architecture rhénane pénétrer jusqu'au sein de la cité liégeoise. Rien de surprenant, dès lors, que des ivoires trouvés dans la région soient apparentés d'une manière sensible à des spécimens dont l'origine
allemande ne peut être mise en doute; ils trahissent l'intervention de clercs savants, et à cet égard, on ne doit pas perdre de vue l'état florissant des abbayes de Saint-Trond, de Saint-Hubert, de Gembloux et de Waulsort où l'art était en honneur. C'est dans le dernier de ces monastères que Wibald, jeune encore, vint puiser des leçons de savoir et de goût qui exercèrent une action si efficace sur le futur abbé de Stavelot, de la Nouvelle Corbie et du Mont Cassin.


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